Du 23 mars au 13 mai 2017

Un trompe-l’œil subtil. C’est ce qui s’impose en posant un premier regard sur les photographies de Catherine Arsenault. Il faut s’approcher de ces délicates fleurs mises en pots, afin de comprendre le jeu d’illusion provoqué par la technique photographique qu’utilise l’artiste. En conjuguant la photographie et la couture, Catherine Arsenault crée une série de clichés uniques et déstabilisants. Ces fleurs qui proviennent de son jardin personnel ont été séchées, coupées et assemblées en bouquets dans son studio. Après les avoir photographiées, l’artiste choisit avec parcimonie quelques fleurs et tiges et les coud délicatement sur le papier photographique.

S’apparentant au collage, ces photographies, qui rappellent d’anciennes planches botaniques, semblent prendre vie sous nos yeux. La photographe met en scène une intéressante dualité entre le vrai et le faux, repoussant la frontière entre le réel et l’imaginaire. En cousant ses fleurs directement sur la photographie, elle inscrit ses images hors du temps et annule le caractère reproductible de la photographie.

Les compositions florales de Catherine Arsenault se détachent sur des fonds sombres, s’apparentant à la nature morte de fleurs des Pays-Bas et de la Hollande aux XVII et XVIIIe siècles, les peintres de l’époque cherchant à reproduire des images de fleurs réelles tirées d’encyclopédies botaniques. Nous retrouvons chez la photographe la même précision dans la composition des bouquets que chez les peintres des Écoles du Nord. Une minutie et une patience qui caractérisent la signature de l’artiste.

Catherine Arsenault nous présente un travail intime et personnel, tout en finesse. Le petit fil qui relie l’artiste à ses fleurs se déploie ainsi devant nous, du jardin à la fleur cousue.
La photographe, qui entretient son jardin au fil des saisons jusqu’à enfiler le temps avec ses aiguilles, dévoile la beauté de ses photographies à la fois dans le présent et le passé. En utilisant la couture, traditionnellement associée au travail féminin et s’inscrivant dans une certaine historicité, l’artiste remet en perspective un savoir-faire manuel qu’elle actualise au moyen de ses photographies. Avec ses fleurs naturalisées, elle magnifie un doux héritage de l’histoire de l’art des femmes.

Un parfum de nostalgie émane par ailleurs des vases où sont montés les bouquets, objets qui appartiennent à la famille, à des amis et à des connaissances de Catherine Arsenault. Témoignage du temps qui passe, ces photographies véhiculent plusieurs histoires. C’est l’une des grandes forces du travail de l’artiste.

Le travail photographique de Catherine Arsenault nous entraîne dans un univers floral d’une grande fraîcheur. Le jardin devient alors un magnifique terrain de jeu pour l’artiste, célébrant la beauté de la nature de façon inusitée.

– Camille Larivée

Née à Rimouski en 1960, Catherine Arsenault a depuis l’enfance été inspirée par la nature, par l’exploration des multiples sensations révélées au fil de ses observations. Après des études en Arts plastiques au Cégep de Rimouski et en photographie au Cégep de Matane, elle s’installe à Montréal en 1982 pour poursuivre sa pratique photographique et prendre part à plusieurs expositions conjointes et solos aux Cégeps de Matane et de Rivière-du-Loup, au Musée régional de Rimouski et à la Galerie Dare Dare à Montréal où elle présente l’exposition Vagues chimères, une errance, un voyage recomposé par l’illusion de la couleur. On la présente alors comme « photographe coloriste » puisqu’elle utilise une technique de coloriage qui transforme la photographie en une nouvelle image. Le théâtre du Nouveau Monde utilise alors une de ses photographies pour le lancement de sa nouvelle saison. Catherine réalise également les photographies du film Remous de Sylvie Van Brabant pour lesquelles elle sera finaliste dans la catégorie meilleure photographie, film documentaire, aux les Rendez-vous du cinéma québécois en 1990.

Les années qui suivent sont marquées par la naissance de ses deux fils et son approche photographique devient alors de plus en plus intime et autobiographique. Elle partage son temps entre sa vie de famille et son travail comme agente de liaison technique au Canal Savoir, lorsqu’elle décide en 1997 de prendre les rênes du studio du photographe de réputation internationale Jean-François Bérubé (jfberube.com) avec qui elle partage sa vie et sa passion pour la photographie. À ce titre, elle organise de nombreuses expositions en plus de promouvoir l’artiste grâce à différents médias web et imprimés, et de participer à la publication de livres de photographie.

À la création en 2011 des Rencontres internationales de la photographie en Gaspésie (photogaspesie.ca), Catherine est conseillère à la programmation et aux présentations des expositions qui réunissent annuellement les grands noms de la photographie dans le monde. Elle quitte en 2015 pour se consacrer à ses projets personnels.

Il y a longtemps que Catherine cherchait la bonne approche pour relier la photographie au jardinage, deux pratiques intimement liées à son existence. Depuis 2012, elle s’emploie à conjuguer la photographie, les végétaux naturalisés et la couture. Ainsi, dans cette démarche singulière et originale, elle prend pour guide son petit jardin, qui jour après jour, mis à l’épreuve par des conditions météorologiques et climatiques variables l’amène à constater à quel point notre existence est basée sur du mouvant, sur cette impermanence méticuleusement ciselée par des années d’évolution complexe mais combien fragile. Jardiner, c’est l’observation d’un cycle jamais achevé, à l’équilibre précaire empreint à de grandes métamorphoses, similaire à notre propre vie. Ses compositions florales sont l’aboutissement d’un long travail d’observation, d’une exploration du jeu de l’illusion et d’une grande méticulosité. Son travail photographique témoigne bien plus que de la vie du monde végétal, il est un dialogue avec le temps qui passe, se couvrant ainsi de couleurs surannées comme de doux souvenirs.

Critique des œuvres de Catherine Arsenault parue dans La Presse + le 22 avril 2017

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