Lucie Rocher | Traverses
18 janvier – 02 mars 2019 | Vernissage : le jeudi 17 janvier 2019, dès 17h30
Lucie Rocher chemine entre les lignes de l’architecture à la recherche de ses images. Ou plutôt de ce qu’il en reste, qui a persisté et qui les traverse encore : à l’intérieur du cube blanc, Traverses est faite de constructions tangibles ou de simulations possibles qui révèlent autant « ce qui a fonctionné » que « ce qui a peut-être échoué » avec elles. Chaque image, espace et dispositif s’offrent comme un point d’entrée de ce que l’artiste a observé au quotidien sur des chantiers urbains ou encore capté spontanément au détour de rues au Japon. Composé de lignes interrompues ou encore consolidées par des éléments invisibles, chaque « bricolage » photographique est une tentative double : vouloir s’installer temporairement et espérer en même temps se retrancher subitement du cube blanc. Percés, projetés ou imprimés directement sur des matériaux résiduels, ces bricolages appréhendent de côté les géométries et les géographies investies pour permettre à l’œil de mieux les saisir. L’exposition s’ouvre sur un cinquième mur, l’image photographique se déplie de travers. Les photographies coexistent, se soutiennent et se structurent selon un angle jamais droit ni frontal et, de chaque côté de ce nouvel axe de tension, s’assemblent des zones temporaires d’expérimentations photographiques. L’image résiste pour ne pas oublier, à la fois ce qui a été vu et vécu et qui a fait osciller l’horizon dans le regard de l’artiste.Quelques étages plus haut, le chantier photographique se prolonge sur d’autres murs. Dans l’atelier et l’entrepôt de stockage de Lucie Rocher, il poursuit cette verticale mentale qui se dessine à même le bâtiment et qui invite le spectateur à franchir le plafond et les murs de la galerie pour croire à la réalité de ces images qui ont désormais débordé devant lui.
La pratique de la photographie de Lucie Rocher s’attache à croiser image et installation. Ses photographies ne sont pas enfermées dans un format, un support ou une mise en espace figée. Chacune des images possède et génère en elle ses propres variations dès qu’elle se matérialise sur un support ou qu’elle se déploie dans un espace. Elle tente de créer ainsi plusieurs scénarios de son corpus photographique notamment en documentant et en archivant ses « vues » : les multiples spatialisations de celui-ci me permettent d’interroger spécifiquement le médium, les cadres et ses supports d’existence. Elle intègre parfois des matériaux et autres éléments périphériques, posés ou accrochés directement sur l’image (tasseaux de bois, tuyaux en cuivre, volumes géométriques, objets…) afin de rendre à ces installations d’atelier, proche d’un chantier de construction, la mise en scène et l’illusion de l’environnement qui les a fait advenir. Les corps photographiés par l’artiste sont pluriels, traversés par une certaine instabilité irrésolue, arrêtés ou suspendus dans une action. Les paysages et les architectures sont quant à eux identifiables – reconnaissables – mais aussi soumis à un déséquilibre qui les habite, toujours inachevés ou indéterminés dans leur fonction. Les dispositifs scéniques d’apparition, de fabrication et de spatialisation de ses images sont souvent précaires et fragiles, intégrant et assurant une visibilité de toutes les étapes du processus pour parvenir à « faire image ». S’inspirant de son observation et de son intérêt pour le chantier urbain, entre l’achevé et l’inachevé, ses expositions explorent par des jeux de tensions et d’équilibres formels, indistinctement et sans les hiérarchiser entre eux, les correspondances entre ses photographies, sa documentation d’atelier, les matériaux bruts, les supports d’impression, les objets, les outils ou machines d’apparition qui caractérisent notamment l’histoire du médium photographique et qui influent sur son traitement de la matérialité de l’image. Dans ses expositions et explorations, l’espace permet à ce chantier d’advenir pleinement. Elle met en situation son corpus photographique, elle intègre les spécificités du lieu d’accueil en relation avec les œuvres déjà produites ou celles qu’il reste à produire.
Lucie Rocher développe une pratique photographique mettant en scène le processus et les temps de fabrication d’une image. Née en 1988 près de Paris, elle a étudié à l’Université Paris 1 – La Sorbonne et à la New York University. Diplômée d’une maîtrise en arts en 2011, elle poursuit actuellement ses études au doctorat en études et pratiques des arts à l’UQAM.Son parcours est ponctué de résidences internationales (Islande, Québec, Japon) ainsi que d’expositions individuelles et collectives. Son travail a été présenté au Québec (Maison de la Culture Frontenac, Montréal, 2017 ; VU, Québec, 2018) et à l’étranger (White Box, New York, 2012 ; SIM, Reykjavik, 2015, Palais des Paris, Takasaki, 2018). lucierocher.com